Par Jean-Louis Tison
Bonjour à tous !… Aujourd’hui, des échos frais de la tente de forage, pour vous en dire un peu plus sur la « seconde phase » du processus, où nous nous sommes vus obligés de basculer vers un mode de forage en « phase liquide ».
Comme mentionné dans une de mes précédentes missives, à partir d’une profondeur de 90-100m, peu après que la transformation de neige (densité de 0.5 g/cm3) en névé (densité 0.5-0.82 g/cm3) puis en glace (densité 0.82-0.92 g/cm3) se soit accomplie, la différence de pression entre la glace environnante et la colonne d’air dans le trou de sondage « à sec » devient trop importante.
Les chocs mécaniques de la coupe de la tête de forage produisent de la glace en petits disques de quelques centimètres d’épaisseur qui rendent l’analyse ultérieure extrêmement ardue, voire impossible dans certains cas (analyse de la composition en gaz par exemple, du fait de la contamination par l’atmosphère actuelle le long des fractures).
La seule solution est donc d’utiliser un liquide que l’on introduit dans le trou de forage, en quantité croissante, au fur et à mesure de la pénétration. Ce liquide ne peut être introduit que lorsqu’on atteint l’état de glace, sinon il s’infiltrerait dans le névé encore poreux.
Il doit aussi ne pas geler à basse température et avoir une densité proche de celle de la glace (pour empêcher la fermeture du trou de forage sous l’effet de la déformation de la glace)… dans ce contexte les choix sont limités, et on n’échappe pas aux composés organiques aux propriétés parfois désagréables !
L’heureux élu est, dans notre cas, une « cuvée spéciale » mise au point après de nombreuses années de recherche par nos collègues danois, spécialistes mondiaux de carottages dans la glace…j’ai nommé l’ETISOL !
L’ETISOL répond aux critères demandés, tout en étant probablement le moins nocif pour la santé des utilisateurs…juste faire attention aux yeux et à l’irritation de la peau…Caractérisé par une odeur imprégnante (que les fabricants qualifient élégamment de « fruitée »), l’ETISOL est cependant friand de caoutchouc (dont les joints de chaussures, Figure 1).et dilate harmonieusement les vêtements (e.g. les gants de protection …non, ce ne sont pas des XXXL d’origine que l’on voit dans la figure 2 !).
Le liquide de forage permet également une lubrification de la coupe, qui limite aussi les chocs. Le carottier doit cependant être modifié pour l’usage en milieu liquide. Les copeaux de coupe doivent être récoltés dans le haut du tube extérieur, où ils sont amenés par une petite vis d’archimède. Il en résulte que le tube qui se termine par la tête de forage et qui reçoit la carotte de glace doit être plus court, un mètre, dans notre cas !
Une fois le carottier remonté en surface, la partie de plaisir commence !..On est pas trop de 4 opérateurs pour récolter le liquide de forage qui s’écoule de partout !..Une fois le tube inférieur retiré (Figure 3) et la précieuse carotte de glace extraite (Figure 4), il faut encore vidanger le tube extérieur des copeaux de coupe et du liquide de forage (Figure 5.. et, non, ce n’est pas un problème de digestion des spaghettis bolognèse de la veille !). Enfin, le liquide récolté est précieusement séparé des copeaux de coupe (ils n’ont pas la même densité, une fois les copeaux de glace fondus), pour être recyclé lors d’une injection de liquide suivante !
Allez… je vous laisse pour prendre une bonne douche et faire sécher mes chaussures sur le radiateur de la salle de bain …je risque de perdre quelques bons amis !..
A bientôt,
Jean-Louis.
Merci pour ces précisions qui complètent bien l’article de l’avenir de ce 19 février.
Vous m’avez appris quelque chose d’intéressant et je vous en remercie. Marc MERTZ.