Ecrit par Jean-Louis Tison, Mana Inoue et Sarah Wauthy

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les glaciologues sont fous des carottes de glace – Non seulement parce qu’elles ont l’air super cool et qu’elles collent sur la langue lorsque vous les léchez (ne faites jamais ça d’ailleurs, pour votre sécurité et pour le bien de la science !).

Une carotte de glace au Derwael Ice Rise (Côte Princesse Ragnhild)

Les carottes de glace nous procurent un grand nombre d’informations qui peuvent être groupées en deux thèmes principaux :

  1. L’analyse des processus qui contrôlent le comportement dynamique d’un corps de glace (duquel la carotte est extraite) et donc, ses interactions avec le reste du système Terre, de l’environnement et du climat : La glace est un « acteur » du système Terre.
  2. Les enregistrements du climat et de l’environnement passés : La glace est une « archive », un « enregistreur » du climat du Passé pour comprendre le climat du Futur.

Les glaciologues viennent de nombreux horizons scientifiques différents : chimie, physique, géologie, géophysique, géographie physique, mathématiques (les modélisateurs hard core !), biologie (pour les micro-organismes vivant dans la glace… oui oui, il y en a !). C’est aussi pourquoi c’est si chouette ! Les carottes de glace sont les « proies » préférées de toutes ces personnes, qui les dissèquent de différentes façons pour en extraire ce qu’on appelle des « proxys » (des propriétés mesurées) des variables du climat et de l’environnement.

Mesure de la conductivité d’une carotte de glace

Cristaux de glace dans une carotte profonde à 100 m, 1500 m et 2500 m de profondeur. Notez que les bulles de gaz (visibles en photo 1) sont doucement intégrées dans la structure cristalline de la glace pour former des clathrates avec l’augmentation de la pression.


Par exemple, les changements saisonniers des isotopes stables des molécules d’eau formant la glace (18O et 2H ou deutérium) nous permettent de dater une carotte de glace et donc, de reconstruire l’accumulation de neige annuelle, un composant fondamental de ce qu’on appelle « le bilan de masse de surface » de la calotte glaciaire (apport des précipitations neigeuses moins l’export par la sublimation – passage de l’état solide à gazeux –, la fonte, le transport par le vent…). Connaître le bilan de masse de surface est crucial pour estimer la contribution de la calotte glaciaire à la montée du niveau marin.

Mais pas seulement, puisque les isotopes stables de l’eau de la glace sont aussi un moyen de reconstruire l’évolution, au cours du temps, de la température au site de carottage pendant les précipitations de neige (c’est ce qu’on nomme un paléothermomètre).

Un exemple des enregistrements de température (à partir des isotopes stables de l’eau) et de gaz d’une carotte de glace profonde en Antarctique (EDC, Antarctique), comparés aux changements de niveau marin et d’insolation estivale (avec la courtoisie de Valérie Masson-Delmotte).


Une liste non-exhaustive des autres variables environnementales (proxys) dans la glace sont : la composition de l’atmosphère, y compris des gaz à effet de serre (grâce aux bulles de gaz présentes dans la glace – la glace est la seule archive avec laquelle c’est possible !), l’accumulation annuelle de neige (grâce au 15Be), la force du vent et la circulation des masses d’air (grâce aux impuretés solubles et insolubles contenues dans la glace), les éruptions volcaniques (grâce à la conductivité électrique et au SO42-), l’activité planctonique dans l’océan (acide méthylsulfonique – MSA), les feux de forêt (grâce aux acides organiques)… et beaucoup d’autres !

Et comme on dit : « ice is nice ! »